Les relations historiques entre Russie et Ukraine – par le Pr J.‑F. Soulet

Jean-François Soulet, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Jean-Jaurès de Toulouse a d’abord présenté les atouts et contraintes géographiques de l’Ukraine (Uk). Vaste pays (60 3550 km2), plat, sans obstacle naturel avec ses voisins, au sol très fertile (tchernoziom) donc gros producteur agricole (maïs, blé, tournesol…), au sous-sol riche en charbon et minéraux a été contraint en réalité par la Russie à une économie déséquilibrée, appauvrissante, de type colonial, l’Uk devait fournir à la Russie ses matières premières et recevait en contrepartie gaz et biens de consommation. C’est bien sûr la Russie qui fixait les prix.

Son passé historique est fait de six dominations successives :

  • Au XIIe siècle, Oleg le Sage venant du nord fonde la « Rous’ de Kiev », ensemble hétérogène mais puissant alors que Moscou n’est qu’une bourgade ;
  • Du XIIIe au XVe siècle se succèdent comme envahisseurs, les Mongols, puis les lithuaniens et les Polonais.
  • Viendront ensuite les Romanov (Alexis 1er, Catherine II) qui s’emploieront à la « Russification de l’Uk » malgré la résistance des intellectuels (Taras Chevtchenko)
  • La 4e domination est celle des Bolcheviques au XXe siècle ; après une tentative d’autonomie, l’armée rouge instaure la République Socialiste d’Uk, partie intégrante de l’URSS. Staline impose une industrialisation et une collectivisation forcées et combat toute tentative de rébellion en 1932 par « l’Holodomor », c’est-à-dire l’extermination par la faim qui a fait entre 2,6 et 5 millions de morts! ;
  • En 1941, les Nazis sont accueillis un temps en Galicie comme des libérateurs du joug bolchevique ;
  • Après la guerre qui sera responsable de 8 millions de morts en Uk, Staline reprend sa dictature : 600 000 ukrainiens, élites de la nation pour la plupart sont arrétés, tués ou déportés au Goulag.


Oleg le Sage (Viktor Vasnetsov, 1899) – Successeur de Riourik, Oleg est considéré comme étant le premier véritable souverain de la Rous’.
Source : Wikimedia Commons

Depuis 1991, l’Uk qui vit avec ce passé douloureux dont aussi bien les tsars de Russie que les bolcheviques ont été les acteurs, est un pays indépendant où le sentiment national se développe. Malgré l’inculture politique, les fraudes électorales, la corruption, les fortes pressions internationales (USA, Russie, UE, Chine…), l’Uk rejette progressivement l’influence russe (Maïdan 1 et 2) et se tourne vers l’Europe, ce qui contrarie bien sûr fortement Poutine qui annexe la Crimée en 2014 par un pseudo référendum et envahit l’Uk le 24 février 2022.