Association Loi 1901
– Toulouse –
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Conférence donnée par le Pr Bernard Boneu aux Amis de l’Hôtel-Dieu, le 19 décembre 2018.
Difficile de résumer une histoire aussi complexe. Ce drame s’est déroulé entre 1981 et 1985. IL a touché principalement les hémophiles. À compter de 1965 ces patients ont bénéficié de cryoprécipités préparés à partir d’une dizaine de donneurs. Entre 1970 et 1980 l’industrialisation des procédés de fabrication a conduit à constituer des pools de plus de mille donneurs, source potentielle de contamination virale.
En 1981 est décrit sur la côte ouest des États-Unis une nouvelle maladie mystérieuse, le SIDA. Le virus responsable sera découvert simultanément début 1983 en France par Luc Montagnier et Françoise Barré Sinoussi et aux États-Unis par Robert Gallo. Il s’en suit une querelle d’antériorité qui retardera en France la commercialisation des trousses pour la détection de la séropositivité jusqu’en Juin 1985 afin de préserver les intérêts de l’institut Pasteur. Le laboratoire ABOTT (USA) était prêt dés janvier 1985.
En 1982-1983, les laboratoires pharmaceutiques producteurs de produits anti hémophiliques testent une méthode de « chauffage » dans le but d’éradiquer la transmission de l’hépatite non A non B : échec pour les hépatites, mais il est observé fortuitement que les quelques hémophiles vierges traités par ces produits ne développent aucune sero conversion HIV, travail publié en janvier 1985. Le Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS), seul habilité en France à importer des produits étrangers, bloque l’importation de ces nouveaux produits chauffés sécurisés. Ils ne seront fabriqués en France qu’en juin 1985 (centres de Lille et Strasbourg) et en octobre 1985 (CNTS).
À Toulouse, en avril 1985, utilisant les réactifs gracieusement fournis par ABOTT à titre d’évaluation, Winston Smilovici constate que 50 % des hémophiles sont séropositifs, chiffre comparable à celui enregistré dans la région parisienne. Réaction immédiate du Pr Jean Ducos : dans un courrier adressé au ministère de la santé il réclame que la sérologie HIV soit rendue obligatoire sur tous les dons de sang. Courrier resté sans réponse. Laurent Fabius ordonnera cette recherche en juin 1985. Début juillet 1985, réaction de Bernard Boneu en charge des soins aux hémophiles : dans un courrier également adressé au ministre il réclame l’interdiction de délivrer des produits non sécurisés et l’importation massive des produits sécurisés. Lettre restée sans réponse jusqu’en septembre 1985. Entre avril et juillet 1985, la fabrication des cryoprécipités préparés à partir de donneurs testés HIV négatifs a été relancée à Toulouse, mais la production était insuffisante pour couvrir tous les besoins. À compter de début juillet 1985 tous les hémophiles suivis par le Centre de transfusion de Toulouse ont bénéficié de produits sécurisés en provenance de Lille et de Strasbourg.
Selon Odile Bertella Geoffroy, juge d’instruction pour le procès du sang contaminé, ces retards aux prises des bonnes décisions seraient responsables d’une augmentation de 25 % pour la contamination des hémophiles entre décembre 1984 et octobre 1985 et de deux-cent-soixante-dix contaminations par transfusion entre mars et aout 1985.
La technique de « chauffage » était efficace pour détruire le virus HIV mais sans effet sur le virus de l’hépatite « non A non B », c’est-à-dire le virus de l’hépatite C qui ne sera découvert qu’en 1990. En 1987, le « chauffage » est abandonné au profit d’une autre technique (solvants détergents) qui permet d’éradiquer les deux virus.
À Toulouse dés 1980 Jean Ducos et Winston Smilovici, conscients du risque potentiel d’hépatite « non A non B » lié aux transfusions, ont décidé d’ajouter aux contrôles prévus par la loi le dosage des transaminases et la recherche de l’anticorps anti-HBc sur tous les dons de sang. Ces examens ont conduit à éliminer de la transfusion le sang d’environ 5 % des donneurs. Comme les virus des hépatites (B et C) et le virus HIV sont souvent présents simultanément chez le même donneur on estime qu’entre 1980 et 1985 cette politique a réduit le risque HIV et d’hépatite « non A non B » d’environ 60 %. Cette disposition a été rendue obligatoire au plan national à compter de 1988.