Histoire de la prise en charge de l’Infirmité Motrice Cérébrale – par le Dr Pierre Lebarbier

Remerciements aux collègues qui ont réanimé notre mémoire collective :

J.-P. Cahuzac, J. Bardier, J.-P. Gayraud et J.-Y. Le Tallec


L’Infirmité Motrice Cérébrale (IMC), que l’on doit appeler actuellement Paralysie Cérébrale (PC), est un désordre permanent et non immuable de la posture et du mouvement dû à un dysfonctionnement du cerveau survenu avant que sa croissance et son développement ne soient complets. La Paralysie Cérébrale se traduit cliniquement par des formes variables sur les plans : neurologique, topographique et fonctionnel, avec souvent des troubles visuels, audio-phonologiques ou cognitifs associés aux troubles moteurs.

La prise en charge est très complexe, ce qui explique qu’elle soit souvent mal connue en dehors de certains services très spécialisés. Cette méconnaissance peut aussi s’expliquer par un sentiment de gêne vis-à-vis du handicap, sujet tabou qui fait peur et parfois honte. Il existe dans la région toulousaine un secteur de prise en charge de la paralysie cérébrale qui associe, de façon complémentaire, le CHU et des établissements spécialisés sanitaires ou médicosociaux. Ce secteur qui fait référence au niveau national méritait d’être présenté.

Nous envisagerons successivement l’histoire ancienne (avant 1950) et l’histoire plus récente et plus régionale (après 1950).

L’histoire ancienne (avant 1950)

Le terme de paralysie cérébrale date de 1837 mais l’état clinique est connu depuis longtemps. Les Égyptiens, les Grecs et les Romains ont décrit des troubles neurologiques que nous pouvons interpréter comme des cas de Paralysie Cérébrale. Sur une stèle datant de 1580 à 1393 av. J.C. le prêtre Ruma présente une atrophie d’un membre qui peut être une atteinte de PC ou une poliomyélite. Le pharaon Siptah (1196-1190 av. J.C.) présente une déformation d’un membre inférieur qui peut évoquer une hémiplégie infantile. Hippocrate (460-390 av. J.C.) décrit « Les Paralysies et apoplexies ». L’empereur Tiberius Claudius Nero (Tiberius Néron) présentait une forme athétosique de PC. Le tableau de Jusepe de Ribera « le pied bot » peint en 1642 représente une forme d’hémiplégie cérébrale infantile. Au XIXe siècle Little décrit la diplégie spastique qu’il relie à un traumatisme néo-natal. En 1889 William Osler publie un livre sur « La paralysie cérébrale de l’enfant ». En 1904 Sigmund Freud met en cause la prématurité parmi les causes de la Paralysie Cérébrale de l’enfant.


Le Pied-bot, tableau de José de Ribera (1642) – source Wikipédia.

Au Moyen Âge, il y a peu de handicap graves vivants. Du XIIe au XVe siècle les hôpitaux se développent. En 1632, à l’Hôtel-Dieu de Toulouse la salle des enfants est ouverte et, en 1729, il y a création d’une maternité. Au XIXe siècle, la prise en charge se spécialise. La paralysie cérébrale est décrite dans ses formes cliniques et dans ses causes. Le traitement de la PC, par la rééducation et la chirurgie, s’organise. En 1881 les lois de Jules Ferry rendent la scolarité obligatoire. À la demande de Désiré Magloire Bourneville, il y a création de classes spéciales avec internat pour les enfants « arriérés ». En 1908, Foerster présente les résultats de rhizotomies pratiquées chez 153 PC. En 1937, Phelps propose une classification des PC en cinq groupes. En 1946, création d’établissements spécifiques d’initiative privée. À Toulouse, en 1922, création du service de chirurgie infantile (vingt-huit lits). En 1924 le Pr Caubet est nommé titulaire de la chaire de chirurgie infantile et orthopédie. En 1946 à Purpan, on regroupe le service de chirurgie (95 lits) avec le service de pédiatrie (cent lits) dans un même bâtiment.

L’histoire plus récente (après 1950)

Le milieu du XXe siècle a été marqué par une importante épidémie de poliomyélite. Cette maladie invalidante a posé le problème de la prise en charge des enfants qui ne pouvaient être scolarisés en milieu ordinaire. Ce qui a conduit un groupe d’anciens résistants, membres de l’Éducation nationale ou directeur de la Sécurité Sociale, à créer l’Association pour la Sauvegarde de l’Enfance Invalide (ASEI) dont le 1er établissement prendra le nom du recteur Paul Dottin. La vaccination fera diminuer la poliomyélite et les moyens mis en place pour cette affection vont être adaptés à la prise en charge des enfants infirmes moteurs cérébraux. En accord avec les médecins de l’hôpital, le centre Paul Dottin se médicalise avec l’arrivée des Dr. Ousset (généraliste), Cahuzac (chirurgien orthopédiste), Claverie (pédiatre) et Nichil en (médecine physique). D’autres spécialistes viendront compléter l’équipe médicale en : ophtalmologie, audiophonologie, psychiatrie, stomatologie et radiologie. Des paramédicaux interviennent également : kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, psychologues et assistantes sociales. Sur le plan scolaire, des enseignants spécialisés assurent une scolarité adaptée aux possibilités et au rythme de l’enfant. Des éducateurs spécialisés développent l’éveil de l’enfant par des activités éducatives individuelles ou en groupe. L’appareillage fait partie de l’arsenal thérapeutique contre les déformations orthopédiques. Pour être intervenant de proximité ASEI-Appareillage fut créé. Pour les mêmes raisons, des services médico-techniques furent mis en place : un cabinet dentaire, une salle de radiologie et un laboratoire d’électro-encéphalographie. C’est pour les mêmes raisons qu’un bloc opératoire a fonctionné de 1970 à 1999. Toute cette prise en charge est réalisée en étroite collaboration complémentaire avec le CHU.

La petite école créée en 1950 a grandi. Actuellement, l’ASEI accueille plus de 10 000 personnes dans cent-deux établissements et services sur cinquante-et-une communes. La prise en charge des usagers est caractérisée par la spécialisation des intervenants et l’interdisciplinarité de la pratique quotidienne.